vendredi 18 mars 2011

La transat, ça, c’est fait !

Ca y est, nous voila de l’autre côté ! Nous venons de traverser un océan. C’est assez dur de se le représenter, même si les faits sont la : nous avons quitté le Cap Vert pour rejoindre les Antilles à l’aide de notre petit bateau jaune et de nos bras désormais presque musclés ! Certains prennent l’avion et mettent une dizaine d’heure, nous, nous avons mis 18 jours, 21 heures et 30 minutes très exactement !

Contrairement à nos habitudes, nous avons mis un peu de temps cette fois ci à vous donner des nouvelles, vous en comprendrez vite la raison… Vous comprendrez vite aussi pourquoi je n’ai pas pu prendre des notes au fur et à mesure de notre périple pour vous raconter fidèlement l’évolution de notre parcours. Si vous suivez nos aventures depuis le début, vous devez savoir qu’avec nous, rien ne se passe vraiment comme prévu… Cette fois ci encore nous en avons fait les frais !

Dernière balade au Cap Vert sur la plage de San Pedro
Etat du pavillon après presque
2 mois de vent et de poussière
Nous avons quitté le port de Mindelo le lundi 14 février après midi, jour de la fête des amoureux, cela nous semblait de bon augure ! Nous attendions depuis plusieurs jours une fenêtre météo favorable. Mougika est prêt et nous aussi. Nous sommes très impatients de reprendre la mer. On fait les dernières courses de produits frais, un passage sur internet pour vérifier encore une fois la météo et prévenir la famille du départ, on dit au-revoir aux copains du port en ne manquant pas de leur donner rdv de l’autre côté et, enfin, on largue les amarres.
A 16h temps universel, nous voila parti ! Nous sommes tous les deux surexcités en pensant à ce qui nous attend. Nous quittons le port avec un vent force 7 environ et une forte mer. Uniquement avec le foc de route (notre petite voile d’avant) nous avançons à 6 nœuds minimum. Sébastien prend la barre pour ne pas fatiguer le pilote automatique dès le départ. D’après les prévisions, ces conditions devraient perdurer pendant 2 jours, ensuite le vent faiblira. Cela nous permettra de vite nous éloigner des îles et des effets de sites qui les accompagnent pour prendre rapidement notre allure de croisière.
3 heures après le départ, on jette un coup d’œil à l’arrière pour s’assurer que la nouvelle pale du régulateur d’allure est toujours bien en place. Nous le testerons dès que le vent se sera stabilisé. Premier coup dur, celle-ci a déjà cédé… Sébastien l’avait fabriqué à partir des plans de l’original. Décidément, ce Navik (de colère, on cite la marque !) ne semble vraiment pas adapté à notre gabarit. Nous sommes un peu déconcerté par le temps, l’énergie et l’argent dépensé pour la confection de ce prototype. Nous espérions qu’il tiendrait un peu plus… Peu importe, nous naviguerons pour cette transat comme nous l’avons toujours fait jusque là, c'est-à-dire avec notre pilote automatique. Il faudra juste être encore plus vigilant sur nos dépenses d’énergie.
Seulement voila, 24 heures après ce premier incident, s’est produit ce que nous redoutions le plus, notre pilote automatique se bloque et refuse de fonctionner. A ce moment là, la mer et le vent sont toujours fort, impossible d’envisager de faire demi-tour. Je prends la barre, Sébastien tente d’identifier le problème, l’équipement ne semble pas complètement perdu, mais un roulement ne fonctionne plus. Nous nous rendons vite à l’évidence que nous n’avons pas ce qu’il faut pour réparer. Nous sommes à plus de 150 milles de Mindelo, nous n’avons pas le choix, il faut continuer notre route.

Nous avons mis à peu près trois jours pour nous résigner complètement et accepter que notre transat ne soit pas « la croisière s’amuse » tant rêvée. Avant cela, nous ne pouvons pas vous cacher qu’il y a eu beaucoup de cris et quelques larmes aussi ! Sébastien lui s’est rendu malade de se trouver à nouveau dans cette situation et n’a pas trouvé le sommeil pendant de longs jours.
Puis, nous avons mis aux oubliettes les lectures, les petits travaux pour le bateau et tout ce que nous avions prévu de faire pendant cette traversée. Notre vie se rythme d’une manière assez simple : barrer, manger et dormir sont nos seules préoccupations. On organise nos quarts, nous nous relayons toutes les 3 à 5 heures, cela dépend de la forme de chacun. Un défi contre nous même nous attend, une véritable course d’endurance. Il ne s’agit pas de barrer un peu quand on en a envie, non, il faut tenir le coup quoi qu’il arrive, ne pas lâcher la barre, ne pas s’endormir, rester concentré.


Les effets sur le corps se font vite sentir. Au bout de 3 jours les poignets craquent à chaque mouvement tellement ils sont crispés en permanence sur la barre. Les bras, le dos et les jambes sont douloureux. On entend souvent dire qu’il faut soigner le mal par le mal, mais croyez nous, ce n’est que foutaise ! Cela fait juste encore un peu plus mal et c’est tout !
Puis le vent se calme enfin, la mer devient moins agitée, la barre plus souple et plus facile à tenir. Nous commençons à chercher des manières de barrer qui soient moins éprouvantes. La technique « avec les pieds » remporte tous les suffrages. On s’installe des petits cousins pour rendre notre siège de fortune plus confortable et nous passerons de nombreux jours dans cette position. Grâce à cela on profite un peu plus. On arrive à barrer tout en se passant de la crème solaire, en mangeant… Parfois même, par petit temps, j’arrive à lire en barrant. Ces jours là, c’est fête, car je prends patience de longues heures sans me plaindre. Du coup Sébastien en oubli même de critiquer mon cap très aléatoire et tout le monde s’en porte pour le mieux !


Petit à petit nous arrivons à profiter de ce qui nous entoure. La sensation du vent sur nos oreilles devient un meilleur indicateur que l’anémomètre. Chaque jour nous nous rendons un peu plus compte que nous sommes en train de vivre une vraie course contre le soleil. Au bout de 7 jours nous avons déjà gagné 1 heure sur ses horaires. Quotidiennement nous gagnons également quelques dixièmes sur la température de l’eau. Elle était à 25 degrés en partant du Cap Vert, nous avons fini notre route avec 28 degrés affichés !

Le dixième jour, nous franchissons le cap critique des 1000 milles restants. Nous avons fait un peu plus de la moitié. A partir de là, on commence à s’autoriser à faire des pronostics sur le jour d’arrivée. Ces quelques chiffres sur le GPS deviennent une obsession de chaque instant.
Au niveau voile, nous avons effectué presque 80% de la route par vent arrière avec nos deux voiles d’avant en ciseau, le génois d’un côté et le foc de route de l’autre. Au début, dès que le vent tournait un peu, nous changions la configuration de nos voiles pour suivre au plus près notre cap. Mais systématiquement, quelques heures après, nous revenions à cette allure. Nous avons fini par en conclure qu’hisser la Grand-voile pour l’affaler aussi rapidement après nous prenait plus d’énergie que le temps que nous gagnions sur notre cap. Bien souvent nous avons donc suivi le vent sans trop se poser de question, quitte à s’éloigner un peu de notre route, tout en sachant que celui-ci finirait bien par nous redevenir favorable. Notre objectif avant tout et de tenir le coup et pour cela nous devons nous économiser.
Enfin, nous avons commencé à voir de plus en plus d’oiseaux. Plus nous nous approchons, plus nous avons des grains orageux aussi ! Ca ne dure jamais très longtemps, c’est juste suffisant pour rafraichir. On commence à croiser quelques bateaux de pêche et finalement les lueurs de l’île de Grenade nous sont apparues dans la nuit du vendredi 4 au samedi 5 mars.


C’est avec des sentiments très partagés qu’à 13h30, temps universel, le samedi 5 mars, nous sommes entrés dans la baie de la ville de St Georges, principale ville de l’île. Nous sommes à la fois très heureux bien sur d’être arrivé sans avoir eu d’autres soucis avec le bateau et en étant en bonne santé (le kit pour suture et les agrafes cutanées sont intacts, j’en suis très soulagée !). Nous sommes aussi contents de savoir que nous sommes capables de faire ça à tous les deux, même si nous ferons en sorte à l’avenir de ne pas se retrouver dans la même situation… Mais c’est aussi plein d’amertume que nous mettons fin à notre traversée. Nous ne pouvons nous empêcher de penser qu’on nous a un peu volé notre transat, notre moment à nous. Nous aurions aimé en profiter autrement.

Quelques heures avant l'arrivée !

Petit bilan de notre transat :
Au final, nous avons parcouru 2208 milles en 18 jours, 21 heures et 30 minutes, soit une moyenne de 5 nœuds à l’heure.
Nous nous sommes mis à la cape pendant 9 heures uniquement, en trois fois. La mise à la cape consiste à placer les voiles de manière à arrêter le bateau. Ensuite nous pouvons attacher la barre et laisser le bateau dériver. Les 3 premières heures nous les avons utilisés pour tenter de réparer le pilote, les autres arrêts nous ont tout simplement permis de dormir quelques heures de plus, des nuits ou le vent était assez instable et ou nous avancions peu.
Nous avons fait 27 heures de moteur. A chaque fois ce fut pour « acheter » notre tranquillité… Lorsque le vent tournait à nous faire perdre la tête, et que nous étions inquiets du ciel menaçant qui nous entourait. Dans ce cas nous préférions faire un peu de moteur pour avancer, plutôt que de se laisser dériver sans surveiller.
Dans l’ensemble on peut dire que nous avons vraiment eu du vent. Nous n’avons pas connu de jours de pétole ou la mer ressemble à un lac. Du coup c’est même un peu frustrant car nous n’avons jamais osé nous arrêter pour profiter d’une petite baignade. Ne sachant jamais vraiment ce qui nous attend le lendemain, on a toujours préféré avancer tant qu’il y avait de l’air.

A notre arrivée, nous avons passé quelques jours dans la sublime Marina Port Saint Louis à St Georges. Nous nous sommes uniquement occupé du bateau, 3 jours de ménage et d’entretien ont été nécessaire pour effacer les traces d’une traversée si mouvementée. Nous n’avons pas manqué non plus de se rafraîchir régulièrement dans la belle piscine et de profiter de la vue de nos voisins de pontons, des méga-yachts assez incroyables !

Eos : Le plus grand voilier privé au monde ! Comme nous a dit notre voisin de ponton :
"Attention, ne vous moquez pas des riches, on ne sait pas ce qui peut nous arriver..."

Puis nous avons quitté ce luxe pour rejoindre un petit mouillage sur la côte sud est. Quelques jours de repos autour de Hog Island, un îlot désert, nous ont permis récupérer un peu.

Aujourd’hui nous sommes de retour à St Georges ou nous venons de retrouver le papa de Sébastien. Au programme des prochaines semaines : la remontée des îles Grenadines, et cela semble spectaculaire !